§6: Garages et succursales ... quel avenir?,
par Régis




Tout le beau mouvement de création architecturale dédiée à l’automobile par André Citroën s’interrompt en 1934 avec sa faillite; Maurice-Jacques Ravazé est alors licencié avec toute son équipe.
La politique de construction et notamment de diffusion publicitaire à travers l’architecture s’éteint; il faudra attendre l’après-guerre avec les années 50 pour voir la construction de nouvelles succursales ou de nouveaux garages (mais généralement de petits bâtiments sans prétention). On utilise ou conserve encore tant bien que mal les immenses vaisseaux construits dans les années 30; cependant ces bâtiments commencent à être inadaptés à la vente de l’après-guerre; les temples dédiés à la voitures ne sont plus d’actualité: le temps de la vente de la voiture populaire et de grande consommation est venu!

A partir des années 70 avec le « tout voiture », les lieux de ventes ne peuvent plus être contraints dans des centres-villes; il faut s’installer sur les grands axes routiers, en dehors des centres, et avec de l’espace. Les agences de communication et de publicité ont pris la place des agences d’architecture et désormais, on parle de concept et non d’architecture. Cette dernière doit même s’effacer pour laisser la place à un message facilement reconnaissable (l’acheteur de voiture doit être débile?) ou un code couleur bien identifiable (pour les plus débiles!) : le blanc et le rouge pour notre marque à chevrons, le jaune et le gris pour celle au losange, etc. Et si les garages existants (à la pureté architecturale qu’un rien déséquilibre!) veulent continuer de survivre, ils doivent se plier à ces chartes, ou plutôt se maquiller (comme un garage volé? ND DRD)...

Le nouveau concept du garage-concession se développe avec une telle force, qu’aujourd’hui on ne connaît presque plus que ce type de magasin, car c’est bien le mot à utiliser: magasin; calé entre une grande surface et un vendeur de savates bon marché, ces garages dont la qualité architecturale est digne du rejeton de l’union d’une boite à chaussure et d’une bouche d’égout, sont censés nous donner l’envie d’acheter une voiture en plastique au prix d’un crédit sympathiquement remboursable sur 5 ans dans le meilleur des cas (car au delà, la voiture se bio dégrade!!)…..

 

Quelques exemples navrants de ces « magasins »



Et à l’heure d’internet, ces concessions ont-elles même encore un avenir ? Demain, ne seront-elles plus que des boîtes de livraison de l’auto commandée chez soi sur le web ?

L’histoire est en marche, et déjà elle a été cruelle avec ces superbes garages des années 30 ; un très grand nombre de ces fabuleux bâtiments a déjà disparu...

Brest :

(ici le dépliant publicitaire de la succursale: page 1; page 2)

Amiens (Grand Garage de Picardie Ets Corroyer), qui avait de superbes détails architecturaux art déco

Louviers

Perpignan

Sa-Sa-Sa-Sa Saïgon
(ND DrD: à fredonner comme dans la chanson "Dix Neuf" d'Y. Mourousi)

Désormais le Rex Hotel est sur cet emplacement d'Ho Chi Minh ville...

D’autres ont eu au moins la chance d’être reconvertis:

Deauville (aujourd'hui cinema Morny)

Evreux (aujourd'hui halle des expositions)


Constantine (1933: aujourd'hui centre culturel)

 

le "magasin de l'Europe" à Paris (devenu de nos jours un restaurant d'entreprise; voir aussi ce lien)

 

Le garage Marbeuf à Paris (reconstruit en bureaux et méconnaissable).

Limoges (désormais, le sigle Citroën est retiré, il y a des boutiques en rez de chaussée et des parkings dans les étages)


Casablanca (place Mohammed V, anciennement boulevard de Paris, bâtiment surélévé en 1947 puis transformé en habitations)

Et enfin il y a ceux qui sont encore animés (pour combien de temps?) de leur affectation Citroën d’origine, comme

Garage de Passy à Paris (13 rue de la Source)




<addendum post Dancho journal : hélas ce fantastique bâtiment datant de 1926, dû à Hippolyte (dit Pol) Abraham [1891-1966], et occupé dès l'origine par Citroën, vient d'être démantelé à l'été 2012 malgré un signalement de la commission du vieux Paris >

Strasbourg

Bruxelles

Bruxelles, halle mythique construite en 1933-34 représentée ici derrière sa contemporaine, la non moins mythique "22", photo du salon Belge 1934.

Bruxelles qui, au passage, va bien illustrer ici le concept du maquillage: en retirant ces dernières années les lettres verticales Citroën (parce qu'elles ne rentrent pas dans la charte graphique), et en mettant en blanc ce qui était noir, on alourdit la structure.

 

Amsterdam (détruit et reconstruit dans les années 70, en gardant des lignes similaires)

 

ou encore bien sûr Lyon (avec plus d'infos sur ce lien)

Mais pour ce dernier, combien de temps restera-t-il encore en activité dans un quartier où l’exercice de la vente automobile est de plus en plus difficile (l’accès aux camions de livraisons pose problème, ils bloquent les rues à chaque déchargement…).

<complément a posteriori au Danchojournal: la sanction est tombée>

Il est nécessaire de préserver ces fabuleux témoignages de l’histoire de l’automobile en France, et n’hésitons pas à se mobiliser lorsque ces bâtiments sont en danger!

Néanmoins, terminons sur une note d’espoir! Le magasin des Champs Elysées, le C42, est une véritable exception, où l’on retrouve l’audace architecturale de Citroën associée à la technologie et la lumière ; mais attention, ne nous emballons pas, car ne serait-ce pas l’œuvre unique et personnelle d’une remarquable architecte, Manuelle Gautrand, qui a su se réapproprier tout un passé glorieux, et même le transcender dans un objet architectural d’aujourd’hui!?
Mais le message perdure à travers cette œuvre, et c’est ça le plus important...?!

Le C42 aujourd’hui

Le C42 hier

NB: ce premier panorama des garages Citroën s'est ensuite mué en une rubrique mensuelle de nuancierDS, que vous pouvez consulter ici.